Le clan des Deux Rivières (2)

La première publication de cet article a eu lieu le 12 août 2011.

Seconde partie : maturité et fin

Le clan des Deux Rivières
Eut la vie éphémère
D’une graine qui meurt
Pour que naisse une fleur

Une réunion d’inauguration cristallisa la vague dissidente. Elle eut lieu chez Okapi le 6 mai 1970. Les participants n’en revenaient toujours pas. Ils pouvaient maintenant former une patrouille libre. Ils allaient enfin pouvoir vivre sans contrainte à l’image de la patrouille des Castors, les héros de Charlier et Mitacq qu’ils admiraient. Ils ne s’étaient pas encore trouvé de nom mais avaient déjà leur mascotte : Toby, un chien battu recueilli par Marcassin. Les idées pullulaient, les projets fusaient. Okapi proposa d’embarquer sur le bateau de son copain Maurice. Du jamais vu ! C’était sûr, le prochain grand camp se déroulerait sur l’eau.

Fig. 14. Mai 1970. Tubize-Bruyère. Jardin de la grand-mère de Faon, après avoir repeint le bateau de Maurice. Accroupis, de gauche à droite : Marcassin, Aiglon et Koala. Debout, de gauche à droite : Okapi et Castor.

Fig. 14. Mai 1970. Tubize-Bruyère. Jardin de la grand-mère de Faon, après avoir repeint le bateau de Maurice. Accroupis, de gauche à droite : Marcassin, Aiglon et Koala. Debout, de gauche à droite : Okapi et Castor.

Griffon, père de Fennec et Écureuil, ancien scout du collège Saint-Michel à Bruxelles prit l’initiative de canaliser la fougue des dissidents. Ignorant délibérément les querelles intestines qui avaient secoué la 5eForges et Bruyères, il constitua un clan dans le respect des règles du scoutisme qu’il avait faites siennes depuis longtemps. Afin de le rattacher à la Fédération sans le lier à une paroisse, il créa en accord avec Faon une nouvelle unité, la 7e Forges et Bruyères. D’un carquois de flèches affûtées, il devenait l’arc propulseur. Pendant le premier hike au bois d’Apecheau qui débuta par une messe à Tubize-Centre, il expliqua aux nouveaux routiers réunis à la veillée ce que représentait la Route pour Baden-Powell.

Quand Okapi lança l’appellation clan des Deux Rivières, une allusion à Tubize situé au confluent de la Senne et de la Sennette, il fit l’unanimité. Le local après un premier projet au quartier des Villas fut aménagé chez Faon et Aiglon au-dessus du garage. On l’appela le pigeonnier. À la demande de Griffon, le chef de région Charles vint y présenter sa récente expérience de descente de rivière en radeau, diapositives à l’appui. On décida de s’en inspirer pour le grand camp.

Koala quitta le premier. Début août commença le grand camp de la Semois auquel neuf routiers participèrent. L’activité principale en fut bien sûr la descente en radeau qui démarra à Chiny et prit fin à Herbeumont.

Fig. 15. Août 1970. Grand camp de la Semois. Chiny, mise à l’eau des deux radeaux. De gauche à droite, Okapi, Toby (mascotte), Castor, Aiglon, Écureuil et Goéland. Faon, Lynx et Marcassin vont bientôt les rejoindre. Fennec prend la photo.

Fig. 15. Août 1970. Grand camp de la Semois. Chiny, mise à l’eau des deux radeaux. De gauche à droite, Okapi, Toby (mascotte), Castor, Aiglon, Écureuil et Goéland. Faon, Lynx et Marcassin vont bientôt les rejoindre. Fennec prend la photo.

Fig. 16. Août 1970. Grand camp de la Semois. La Semois. Sur un radeau : Faon.

Fig. 16. Août 1970. Grand camp de la Semois. La Semois. Sur un radeau : Faon.

Fig. 17. Août 1970. Grand camp de la Semois. Sainte-Cécile, sortie d’une pension de famille. De gauche à droite : Marcassin, Lynx, Okapi et Faon. Goéland, Castor, Aiglon et Écureuil sont restés au camp. Fennec prend la photo.

Fig. 17. Août 1970. Grand camp de la Semois. Sainte-Cécile, sortie d’une pension de famille. De gauche à droite : Marcassin, Lynx, Okapi et Faon. Goéland, Castor, Aiglon et Écureuil sont restés au camp. Fennec prend la photo.

Immédiatement après le grand camp, on adopta sans hésitation l’ancien uniforme : pantalon bleu et chemise bleue avec poches et épaulettes. Comme la majorité des dissidents étaient issus de la même patrouille, on choisit le foulard bleu bordé de jaune en souvenir du nœud d’épaule jaune et bleu des Panthères. Incidemment, la patrouille des Castors avait influencé ce choix puisqu’elle arborait les mêmes couleurs mais dans l’ordre inverse : foulard jaune bordé de bleu, nœud d’épaule bleu et jaune.

Lynx et Goéland lâchèrent assez vite. Ils furent remplacés par Panda, ancien des Mouettes et Jean-Maurice dit le matelot. À Noël, Griffon et huit routiers partirent affronter l’hiver dans les Hautes Fagnes. Faon et Okapi y furent investis compagnons.

Fig. 18. Décembre 1970. Camp des Hautes Fagnes. La Vecquée, investiture de Faon et Okapi. De gauche à droite en suivant le cercle : Marcassin, Castor, Okapi, Faon, Aiglon, Griffon (CU), Jean-Maurice et Panda. Fennec prend la photo.

Fig. 18. Décembre 1970. Camp des Hautes Fagnes. La Vecquée, investiture de Faon et Okapi. De gauche à droite en suivant le cercle : Marcassin, Castor, Okapi, Faon, Aiglon, Griffon (CU), Jean-Maurice et Panda. Fennec prend la photo.

Faon et Fennec se voyaient beaucoup rue Reine Élisabeth et rue des Frères Taymans. La mère et la grand-mère de Faon admiraient la solide amitié qui les unissait. Elles les soignaient aux petits oignons. C’est là que passionnés de cartographie et fervents amateurs de promenades en forêt, ils imaginèrent des randonnées de plusieurs jours avec logement à la ferme, qu’ils appelèrent camps itinérants. Le premier à Pâques 1971 naquit d’une boutade à propos des bières belges : Leffe-Orval, 146 kilomètres en 7 jours avec Faon, Fennec, Marcassin, Castor et Jean-Maurice rejoints par Okapi à Bertrix.

Fig. 19. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Jéhonville, devant l’église. De gauche à droite : Marcassin, Fennec, Faon, Castor et Jean-Maurice.

Fig. 19. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Jéhonville, devant l’église. De gauche à droite : Marcassin, Fennec, Faon, Castor et Jean-Maurice.

Fig. 20. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Sainte-Cécile, à l’entrée de la ferme. De gauche à droite : Marcassin, Castor, Okapi, Jean-Maurice, le fils des fermiers, le père de la fermière et Faon. Fennec prend la photo.

Fig. 20. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Sainte-Cécile, à l’entrée de la ferme. De gauche à droite : Marcassin, Castor, Okapi, Jean-Maurice, le fils des fermiers, le père de la fermière et Faon. Fennec prend la photo.

Fig. 21. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Abbaye d’Orval, dans la clôture des moines, devant l’étable des taureaux. De gauche à droite : Jean-Maurice, Faon, Marcassin, Okapi et Castor. Fennec prend la photo.

Fig. 21. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Abbaye d’Orval, dans la clôture des moines, devant l’étable des taureaux. De gauche à droite : Jean-Maurice, Faon, Marcassin, Okapi et Castor. Fennec prend la photo.

Fig. 22. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Saint-Vincent, devant l’église. Faon tend un papier à Fennec qui prend la photo.

Fig. 22. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Saint-Vincent, devant l’église. Faon tend un papier à Fennec qui prend la photo.

Fig. 23. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Gare de Tubize. De gauche à droite : Marcassin, Écureuil, Castor, Faon, Okapi et Aiglon. Écureuil et Aiglon rentraient d’une activité avec des enfants de Bousval. Fennec prend la photo.

Fig. 23. Avril 1971. Camp itinérant Leffe-Orval. Gare de Tubize. De gauche à droite : Marcassin, Écureuil, Castor, Faon, Okapi et Aiglon. Écureuil et Aiglon rentraient d’une activité avec des enfants de Bousval. Fennec prend la photo.

L’idée de camp itinérant fut fertile. Deux nouvelles marches eurent lieu : en juillet, Tubize-Natoye dit camp du matelot, 96 kilomètres en 4 jours avec Faon, Marcassin et Jean-Maurice, et en août, Fraipont-Orval, 145 kilomètres en 7 jours avec Faon, Fennec, Marcassin, Aiglon et Jacques, une nouvelle recrue qui ne fit qu’un camp.

Fig. 24. Août 1971. Camp itinérant Fraipont-Orval. Izel, dans la campagne. De gauche à droite : Aiglon, Jacques, Fennec, Marcassin et Faon.

Fig. 24. Août 1971. Camp itinérant Fraipont-Orval. Izel, dans la campagne. De gauche à droite : Aiglon, Jacques, Fennec, Marcassin et Faon.

Très liés, Faon et Fennec sentaient au fond d’eux-mêmes le besoin d’aller plus loin. À la recherche de réalisations encore meilleures, ils eurent l’idée de faire connaître à d’autres garçons la force vivifiante de construire ensemble quelque chose de magnifique. Avec quelques jeunes de Saintes, grâce à l’appui inconditionnel de Griffon et à l’aide sur place de l’abbé Delacroix, ils démarrèrent en octobre 1971 une nouvelle troupe scoute qu’ils baptisèrent troupe Sainte-Renelde. Rapidement, Castor et Aiglon les épaulèrent dans leur ambitieux projet.

Mais les autres routiers ne donnaient plus guère signe de vie. Trois camps itinérants furent encore organisés : à la Noël 1971, Mariembourg-Mirwart, 82 kilomètres en 3 jours avec Faon, Fennec, Aiglon et Jean-Maurice, à Pâques 1972, Tubize-Rochehaut, 162 kilomètres en 7 jours avec Faon, Fennec, Castor et Aiglon, et en juillet, Dion-Tubize, 140 kilomètres en 5 jours avec Fennec et Castor rejoints par Aiglon à Maredsous où Faon étudiait.

Fig. 25. Juillet 1972. Camp itinérant Dion-Tubize. Abbaye de Maredsous, la Clairière. De gauche à droite : Aiglon, Jacqueline, Anne, Faon, Yves, Fennec et Castor. Faon assis au pied de sa sœur se trouve entre sa cousine et son plus jeune frère.

Fig. 25. Juillet 1972. Camp itinérant Dion-Tubize. Abbaye de Maredsous, la Clairière. De gauche à droite : Aiglon, Jacqueline, Anne, Faon, Yves, Fennec et Castor. Faon assis au pied de sa sœur se trouve entre sa cousine et son plus jeune frère.

Cette sixième marche sonnait le glas des camps itinérants. Le clan des Deux Rivières s’était désormais métamorphosé en staff de troupe. Le premier grand camp de la troupe Sainte-Renelde à Vencimont suivit immédiatement. Mais ça, c’est une autre histoire.

À la Bruyère, Lapin, Phoque et Faon avaient tous les trois été attirés par le pouvoir. Leurs intentions n’étaient cependant pas les mêmes. Lapin voulait l’autorité : il régna durant trois ans. Phoque voulait l’ordre et la soumission : il fit le nettoyage par le vide en huit mois. Faon voulait que triomphe l’esprit scout : il renforça la patrouille des Panthères, monta l’atelier carto, construisit le clan des Deux Rivières et fonda la troupe Sainte-Renelde. Chaque fois, il apportait la lumière de son savoir, la chaleur de son cœur, la force de sa volonté. Chaque fois, il réalisait avec ses frères scouts un travail merveilleux, inoubliable. Chaque fois, il prouvait que ses pairs avaient vu juste le jour où ils lui donnèrent son qualificatif : tu promets.

Épilogue

Fig. 26. La patrouille des Castors, La bouteille à la mer, planche 29. Local de patrouille. De gauche à droite : Tapir, Faucon, Mouche, Poulain (CP) et Chat.

Fig. 26. La patrouille des Castors, La bouteille à la mer, planche 29. Local de patrouille. De gauche à droite : Tapir, Faucon, Mouche, Poulain (CP) et Chat.

— Alors, demanda Tapir, dans toute cette histoire, Phoque, c’était le mauvais ?
— En tout cas, fit remarquer Faucon, il a réussi à démanteler la troupe qu’il dirigeait.
— Article cinq : le scout est courtois et chevaleresque, commenta sentencieusement Mouche.
— Et il a mis trois scouts à la porte, surenchérit Tapir.
— Article quatre : le scout est l’ami de tous et le frère de tout autre scout, continua Mouche imperturbable.
— N’oublions pas que d’autres agissaient en coulisse, intervint Chat qui essayait d’y voir plus clair. Lui-même ne faisait qu’exécuter.
— Je pense que vous avez tous raison, conclut Poulain. Phoque n’avait pas vraiment l’esprit scout. Pourtant, son rôle a été important. Car sans lui, il n’y aurait jamais eu de clan des Deux Rivières ni de troupe Sainte-Renelde. Sans le mal, le bien ne pourrait pas exister.